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Dominos
et bois gravés

Jeu de papier

Mobirise


Image :  [4.1.1] Le jeu royal de l’oye, Paris, Didier Aubert, [entre 1735 et 1756 ?], taille d’épargne sur bois, coloriage au pochoir.

Le jeu de l’oie de l’époque moderne appartient à la famille des estampes, ces images imprimées sur une feuille de papier, à partir d’un motif gravé sur une planche de bois ou une plaque de cuivre. Depuis l’invention de la technique, à la fin du XIVe siècle, la production des graveurs et des marchands d’images est très majoritairement religieuse, dominée par les portraits de saints et la représentation d’épisodes bibliques. Au cours du XVIe siècle, les imagiers se tournent vers des sujets plus profanes, comme des portraits de princes, des scènes mythologiques ou historiques : c’est le moment où le jeu de l’oie apparaît. Dès la fin des années 1590, les soixante-trois cases en spirale entrent dans le répertoire gravé des imprimeurs des grandes villes européennes. La plus ancienne attestation datée vient d’Angleterre : en 1597, l’imprimeur anglais John Wolfe (qui a voyagé en Italie) obtient un privilège pour The new and most pleasant game of the goose. L’année suivante, un « jeu de l’oye » figure dans l’inventaire après décès de Jean de Gourmont, un libraire et imagier parisien, à côté d’un jeu de tarot.

En France, c’est à Paris que l’on produit les jeux les plus élaborés et les plus finement gravés, à partir de plaques de cuivre gravées en taille-douce. Les imagiers parisiens sont rassemblés autour de la rue Saint-Jacques, où les familles restent installées sur plusieurs générations. À côté de cette imagerie demi-fine, il existe une production plus grossière, très abondante en province, notamment dans les grands centres de production d’estampes populaires, à Troyes, Lyon ou Orléans. C’est d’ailleurs de Lyon que vient le plus ancien jeu de l’oie actuellement connu en France, gravé par les héritiers de Benoit Rigault autour de 1600. Les imagiers provinciaux conservent la technique de la taille d’épargne, qui consiste à dégager le motif en creusant le bois. Ce procédé en relief permet de combiner facilement l’image avec le texte, lui aussi composé en relief en caractères mobiles. Il présente aussi l’avantage de pouvoir être imprimé sur une presse typographique, dans le même atelier que des livres ou d’autres travaux de ville, à plusieurs milliers d’exemplaires.

Image :  [4.1.2] Jeu de l’oye renouvellé des Grecs, Jeu de grand plaisir & récréation, Lyon, chez Laurent Biesse, [entre 1679 et 1713], taille d’épargne sur bois, coloriage au pochoir.

Le jeu de l’oie imprimé et vendu par le marchand d’estampes lyonnais Laurent Biesse (1643-1713) montre la qualité médiocre d’une partie de ces productions provinciales. C’est après avoir acquis le fonds de l’imagier Jacques Potard, entre 1677 et 1679, que Biesse mentionne une adresse « rue Ferrandière », ce qui permet de dater approximativement le jeu. Au début du XVIIIe siècle, il est souvent qualifié de « marchand-dominotier ». Sa production semble en grande partie composée de feuilles de dévotion destinées à être accrochées aux murs des logis, dont il confie la vente à des colporteurs d’images. Gravé sur bois et grossièrement colorié au pochoir ou au pinceau, ce jeu de l’oie est représentatif de sa production. Seules les cases spéciales sont ornées, les autres n’étant que légèrement coloriées. Le jeu est orné de motifs de dominoterie, ces papiers qui servaient à décorer les couvertures des brochures ou l’intérieur des coffrets. Les angles présentent des ornements curieux : dans l’angle de départ, un homme est aux prises avec un chien féroce ; le jardin de l’oie, avec sa porte ourlée de piques, n’est guère accueillant.

Mobirise

Image :  [4.1.3] Le Jeu de loye renouvellé des grecs. Jeu de grand Plaisir & de Récréation, Comme aujourd’hui les Princes & Grands Seigneurs le jouent & le pratiquent, Orléans, chez Jean-Baptiste Sevestre-Leblond, [entre 1771 et 1780], bois gravé. 

Mobirise

Image :  [4.1.4] Le jeu royal de l’oie renouvellé des Grecs, Orléans, chez Jean-Baptiste Letourmy, v. 1780, taille d’épargne sur bois, coloriage au pochoir. 

Les bois gravés circulent d’un imprimeur à l’autre, sont revendus ou copiés. Ces circulations sont bien illustrées par deux jeux orléanais de la fin du XVIIIe siècle, l’un de la librairie de Jean-Baptiste Sevestre-Leblond (établi sous ce nom entre 1771 et 1780), l’autre de celle de Jean-Baptiste Letourmy. C’est le même bois gravé qui a servi à produire les deux jeux. Le motif de dominoterie, que Laurent Biesse avait laissé dans les marges, sert ici à orner les cases blanches. Les deux jeux sont coloriés au pochoir, de manière plus légère et plus soignée chez Sevestre. Le texte des règles est identique, mais la composition typographique diffère : elle est plus archaïque chez Sevestre-Leblond, avec sa lettrine ornée et sa composition en deux blocs, plus moderne chez Letourmy, qui uniformise le tout. Sevestre-Leblond conserve aussi le titre traditionnel du jeu, Le Jeu de loye renouvellé des grecs. Jeu de grand Plaisir & de Récréation, Comme aujourd’hui les Princes & Grands Seigneurs le jouent & le pratiquent, déjà attesté dans des productions de sa famille un siècle plus tôt. Letourmy adopte un titre plus moderne et plus succinct, Le jeu royal de l’oie renouvellé des Grecs. Notons enfin que Letourmy a conservé son bois par-delà la chute de la monarchie, ce qui lui a permis de produire rapidement un Jeu national de l’oie, sans rien changer des motifs ni de la règle.

E. C .