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Jouer… et aussi ? 

Comme toutes les images, le jeu de l’oie est un formidable vecteur de messages politiques. Dès le début de son histoire, le jeu est mobilisé dans des combats partisans. L’affichage dans l’espace public, la dimension ludique et la référence à un jeu connu de tous permettent la circulation des messages vers les milieux populaires urbains. Sous la Révolution française, l’Empire, puis sous la Troisième République, le jeu de l’oie fait circuler les nouvelles valeurs politiques mises en image.

Image :  [3_5_1] Règle du jeu de l’Affaire Dreyfus et de la Vérité, Paris, imprimerie Charaire, 1899. 

Ce jeu de l’oie édité par l’imprimerie Charaire, l’un des principaux établissements typographiques parisiens de la Belle Époque, prend place au terme de l’Affaire Dreyfus. Cette affaire d’espionnage présumé impliquant un officier alsacien juif, Alfred Dreyfus, est devenue l’une des crises politiques majeures de la IIIe République, prenant la suite d’une série de scandales tout au long des années 1880 et 1890. Amorcée en 1894, stimulée par l’implication décisive de la presse d’opinion, elle a fortement divisé la société française entre partisans et adversaires d’Alfred Dreyfus et a vu s’affirmer les engagements contradictoires de lettrés et de savants désormais qualifiés d’intellectuels. C’est à l’implication de l’un d’entre eux, Jean Jaurès, que l’on doit d’avoir innocenté le capitaine Dreyfus à travers la publication d’une série de preuves en septembre 1898 dans le journal socialiste La Petite République, dont il était le directeur. L’impact médiatique et politique de cette publication explique l’ouverture d’un procès en révision en 1899, à Rennes, qui confirme l’innocence de Dreyfus.
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Image :  [3_5_2] Règle du jeu de l’Affaire Dreyfus et de la Vérité (détail) : l’affaire Dreyfus, tombeau des droits de l’homme ? 

L’Affaire est ici présentée à la fois dans sa chronologie et sa symbolique. Le plateau de jeu est flanqué d’une série d’allégories évoquant la vérité et la justice, valeurs sous-tendues par cette affaire politique et médiatique et dont l’aboutissement a montré le triomphe. L’iconographie utilisée met en valeur la place du système judiciaire, de la loi, le rôle de la presse dans le déroulement d’une affaire fortement déterminée par le rejeu des tensions franco-allemandes au milieu des années 1890 (référence au Hulan, case n° 28, figure littéraire désignant les Allemands, empruntée à un conte pour enfants de Paul Déroulède de 1884).
Le parcours du jeu suit l’évolution chronologique de l’Affaire, partie des fuites, du télégramme révélant l’implication de Dreyfus aux côtés des Allemands, devenue un objet d’intérêt central de la presse française avant de constituer une affaire judiciaire. La lecture que les auteurs font de l’Affaire est donc téléologique et républicaine, marquée par la foi dans la morale républicaine et dans la justice. Les acteurs évoqués, en grande partie empruntés aux personnages secondaires de l’Affaire, confirment sa complexité sociale et médiatique et illustrent les principaux rebondissements sur lesquels elle a reposé. Outre Esterhazy, véritable auteur du bordereau attribué à Dreyfus (n° 40 et n° 53), on retrouve ainsi Eugénie de Boulancy, son ancienne maîtresse (n° 8), qui a fait parvenir des écrits incriminant Dreyfus au député radical Auguste Scheurer-Kestner, d’abord hostile à Dreyfus avant de se raviser (n° 4). La « Dame voilée » (case n° 58), personnage non identifié mais amplement commenté par les contemporains, aurait remis à Esterhazy un document accablant pour Dreyfus, et l’avocat Louis Leblois (n° 11) fait partie des juristes qui se sont impliqués pour la révision du premier procès fait à Dreyfus. Si l’affaire judiciaire est désormais terminée, elle demeure lourde de répercussions sur la société française : à ce titre, les noms des acteurs font l’objet de déformations supposées préserver leur anonymat, mais la forte médiatisation dont les événements ont fait l’objet les rendent facilement identifiables par le lecteur.

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Image :  [3_5_3] Règle du jeu de l’Affaire Dreyfus et de la Vérité (détail) : les protagonistes. 

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Image :  [3_5_4] Règle du jeu de l’Affaire Dreyfus et de la Vérité (détail) : la mystérieuse « Dame voilée ».  

Les lieux présentés dans le plateau de jeu sont également empruntés à l’événementiel de l’Affaire Dreyfus. Les Invalides ont été le théâtre de la dégradation de Dreyfus le 5 janvier 1895 (n° 6). L’appartement de la rue de Douai (n° 56) est celui loué par Esterhazy au nom d’Eugénie de Boulancy. La prison du Cherche-Midi a été le premier lieu de détention de Dreyfus avant son extradition au bagne de l’île du Diable en 1895 (n° 10) et le Mont-Valérien est le lieu du suicide du lieutenant-colonel Henry le 31 août 1898 (n° 31), figure centrale de l’antidreyfusisme et auteur d’un faux contre Dreyfus. Tous ces lieux sont bien connus du grand public pour avoir été fortement relayés dans la presse de l’époque et pour être associés aux principaux développements de l’Affaire. La référence à Henry est particulièrement d’actualité dans le contexte de 1899, alors que sa mémoire est l’objet d’une souscription lancée par sa veuve, au mois de janvier, afin de faire ériger un monument en son honneur : son succès quasi-immédiat est révélateur du poids maintenu de l’antidreyfusisme et, plus largement, de l’antisémitisme dans une grande partie de la société française de l’époque. 

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Image :  [3_5_5] Règle du jeu de l’Affaire Dreyfus et de la Vérité (détail) : les outils de la police : le système anthropométrique de Bertillon. 

Mais le jeu de l’oie illustre surtout la portée symbolique et la signification politique de l’Affaire Dreyfus, qui a posé la question de la place de la justice dans la République et a suscité la création d’outils nouveaux destinés à garantir sa transparence et son objectivité. C’est le cas de la Ligue des Droits de l’homme, créée en 1898 par le député radical Ludovic Trarieux pour faciliter la défense du capitaine Dreyfus (n° 25). La place et le rôle de la justice est mise en regard des outils nouveaux utilisés par la police dans le cadre des enquêtes, comme le système anthropométrique de Jacques Bertillon, utilisé dès les années 1880 et mobilisé sans succès lors du procès de Rennes, en 1899, pour faire valoir la culpabilité de Dreyfus (n° 30). La place donnée à l’avocat de Dreyfus Edgar Demange, à l’avant-dernière case du jeu, en fait le garant de la vérité, présentée comme l’émanation de la justice. Par conséquent, dans un contexte de fortes tensions sociales et politiques entre partisans et adversaires de Dreyfus, les auteurs cherchent à montrer la force de la loi au service de la République, y compris lorsqu’elle entre en contradiction avec des intérêts institutionnels. La référence aux lois sur les dés lancés par l’état-major en fait un élément moteur du jeu, représentatif du fonctionnement de l’Affaire Dreyfus en général. Elle entre en contradiction avec les positions des antidreyfusards, accusés de vouloir enterrer la loi et les droits de l’homme au prétexte de défendre l’honneur de l’armée.

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