Ahmad Muhammad Nu‘mân

Un combat pour l’éducation au Yémen

 Dans le Yémen imamite, une figure se détache au cœur du système d’enseignement : Ahmad Nu‘man, dont le fonds d’archives personnelles a été confié par ses descendants à l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (Iremam) et à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH).
En 1923, Ahmad Nu‘mân, tout juste âgé de 14 ans, quitte son village de Dhubhan, dans la Hujjariyya, et part seul et à pied pour un voyage de quatre jours afin de rejoindre la célèbre université islamique de Zabîd. Après en être sorti diplômé, en 1931, il décide de transmettre son savoir religieux aux enfants du village, dans la mosquée même. « J’étais devenu leur Zabîd », écrit-il plus tard dans ses Mémoires.

Mais, influencé par l’un de ses frères fréquentant régulièrement Aden, il accepte de s’adjoindre les compétences séculières d’un jeune professeur. Les enfants découvrent l’histoire, les mathématiques, et même le football ! Cette entorse aux programmes autorisés dans l’Imamat se solde par la fermeture de l’école, et signe l’engagement de Nu‘mân dans l’action militante. Sa critique de la politique d’isolement et de répression menée par l’Imam se déploie depuis les journaux du Caire et d’Aden, et au sein d’un groupe d’opposition, appelé « les Libres » (al-Ahrâr),

© Fonds A. Nu‘mân, Lettre de recommandation adressée au gouverneur pour que Nu‘mân soit nommé professeur, Région de Taez, 1931.

© Fonds A. Nu‘mân © Anonyme, Aden, 1960.

Fonds A. Nu‘mân © Anonyme, Aden (Collège de Balqis), 16/10/1961.

Le maître-mot de ses revendications est le « ‘ilm », le savoir entendu comme moderne, auquel il exhorte les jeunes Yéménites pour prendre place dans le monde. Désormais connu sous le nom d’al-Ustâdh (« le Professeur »), Nu‘mân fait venir au Caire, entre 1938 et 1941, des groupes d’élèves pour qu’ils profitent des structures éducatives égyptiennes, alors parmi les plus développées – et les plus accessibles - du monde arabe.

En 1961, après des années de lutte et de prison il collecte des fonds dans la diaspora yéménite du Maghreb et d’Angleterre pour fonder à Aden, avec une poignée de compagnons et de mécènes, le Collège Balqîs (ou Bilqîs, du nom de la célèbre reine de Saba), destiné aux garçons et filles de tous âges nés dans le Yémen imamite et à qui l’enseignement moderne est refusé dans le territoire britannique.


Juliette Honvault 

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