Marceau Gast (1927-2010), Ethnologue
Ethnologue, spécialiste des Touaregs, observateur passionné du Sahara, autant à l’aise dans les campements du désert que dans les salles de réunions universitaires, proche de ses amis nomades chez qui il avait exercé d’abord le métier d’instituteur nomade, aimant partager la parole, le pain, les joies et les peines des plus humbles, Marceau Gast a marqué le milieu des chercheurs, notamment des plus jeunes, qu’il a toujours soutenus.
L’itinéraire professionnel de Marceau a débuté par le métier d’enseignant qu’il partit exercer au Sahara (1948), d’abord en milieu sédentaire, puis nomade touareg (1951-1956). Pédagogue dans l’âme, Marceau partageait avec enthousiasme ses connaissances tirées de longs séjours d’observation participante.
Marceau Gast a été un précurseur dans le domaine de l’anthropologie de l’alimentation. Il a été le premier à l’étudier au Sahara. Questionner la façon dont se nourrit une population qui vit dans un milieu aride aux ressources fragiles est un angle d’approche ingénieux, car il permet de saisir le fil qui conduit à tous les autres domaines d’une société : les techniques, l’économie, la gestion des ressources, l’organisation sociale et parentale, le sacré, la répartition des tâches, les rôles féminins et masculins…
En lien avec les nouvelles orientations de l’ethnologie des années 1970, il a développé des thématiques sur la parenté et l’alliance, l’interprétation de l’endogamie, les modes de filiation, la transmission des biens et des pouvoirs.
De 1974 à 1993, Marceau Gast investit un nouveau terrain au Yémen sur son thème de prédilection, l’alimentation, mais pas seulement. Il s’intéressait aussi aux autres versants de la vie des gens qui se manifestaient à lui spontanément, à travers leurs occupations et préoccupations, leurs labeurs et leurs loisirs, leurs tâches matérielles et immatérielles. À travers ses
archives textuelles, iconographiques et
sonores, apparaît le spectre large de ses intérêts pour les transformations du mode de vie, les mutations socio-politiques, les innovations techno-économiques, les rites agricoles, les fêtes, la poésie, les chants d’amour…
Il a également travaillé sur l’histoire orale et sur l’histoire contemporaine, qu’il traitait à travers des approches monographiques, comme par exemple au Yémen, la ville de Thula à l’architecture remarquable.
Marceau Gast était aussi un excellent photographe. Ses clichés en noir et blanc sont d’une grande sensibilité. Il a su saisir les gestes, les expressions, les postures du quotidien dans leur simplicité, leur aspect naturel, leur spontanéité, qui montre la complicité, la proximité et l’amitié qui le liaient aux personnes photographiées. En fait, il ne se contentait pas d’être un photographe embusqué derrière l’objectif, il parlait à ceux qu’il photographiait et c’est cette familiarité qui donne à ses photographies toute leur densité et tout leur sens. Ce regard photographique si spécial de Marceau est un bon révélateur de sa démarche de terrain, combinant approche scientifique, engagement intellectuel, proximité sociale, souci humaniste, qui impliquent le chercheur dans la vie et les mutations locales.
Extraits de :
Salem Chaker et Hélène Claudot Hawad (dir.), Un ethnologue entre Sahara, Kabylie, Yémen et Queyras. Hommage à Marceau Gast (1927-2010), Peeters, Paris-Louvain, 2014, 271 p. + CD.