Les variations de genre en matière de sociabilité restent marquées entre la ville et la campagne, même si elles dépendent aussi des appartenances sociales. Une grande part des rencontres féminines se passent ainsi à l’extérieur de l’espace domestique pour de nombreuses femmes rurales tandis que, pour les citadines, l’espace privé reste un lieu privilégié, où elles s’adonnent elles aussi à la consommation de qât.
Les rythmes urbains et même ceux de la guerre sont fortement influencés par la sociabilité du qât qui s’est considérablement développée dans les provinces de l’ex-Yémen du Sud où sa consommation était réglementée et restreinte avant la proclamation de l’unité en 1990.
Depuis 2015, la violence des combats et des bombardements a entraîné une insécurité généralisée, et a transformé les rapports à l’espace public, devenu hostile, et à l’espace privé, devenu un refuge incertain.
Avec la guerre, certaines villes ont connu un accroissement inédit de leur population, comme Mareb , passée du statut de petite ville enserrée dans son milieu tribal à une agglomération d’accueil de Yéménites venant de toutes les régions du pays. Ce brassage rapide de populations et qui s’observe aussi dans les grandes villes comme Sanaa, Taez ou Aden, sera-t-il à même de contrebalancer l’inévitable repli sur soi que la guerre a aussi provoqué ?
Franck Mermier
Références
Paul Bonnenfant (dir.), Sanaa. Architecture domestique et société, Paris, CNRS Editions, 1995.
Peer Gatter, Politics of Qat. The Role of a Drug in Ruling Yemen, Wiesbaden, Ludwig Reichert Verlag, 2012.
Mermier, Franck, Le Cheikh de la nuit. Sanaa : organisation des souks et société citadine, Arles, Actes Sud/Sindbad, 1997.
Samia Naïm (dir.), Yémen. D’un itinéraire à l’autre, Paris, Maisonneuve et Larose, 2001.